À lire, un article de François Blot et Élise Chartier intitulé «Vulnérabilité et autonomie sont-elles antinomiques? À propos de la question de demande d’aide médicale à mourir», paru dans la revue Médecine et Philosophie (2024/1 n°10), dont voici le résumé:
«Au cours du dernier demi-siècle, l’accélération de l’histoire, l’émergence de nouvelles maladies, la transformation éminemment technique de la médecine, enfin les évolutions démographiques et l’accroissement des disparités sociales ont profondément modifié notre rapport à la santé. Parallèlement, la valorisation de l’autonomie individuelle et les revendications des patients ont remis en cause une longue tradition paternaliste. Face à la vulnérabilité liée à la maladie, au handicap ou à l’âge, s’opposent désormais une recherche de maîtrise et l’exercice prééminent d’une autonomie de pensée et de décision. Nous examinerons ici sur quel terrain « s’opposent » autonomie et vulnérabilité : sont-elles un état de fait, naturel (ex., nous sommes doués d’autonomie), des principes à activer (nous devons promouvoir l’autonomie), ou bien les deux ? Notre première conclusion sera, que la situation de la personne soit vue sous l’angle premier de la vulnérabilité ou de l’autonomie, que c’est bien d’un souci de bienfaisance, respectivement extrinsèque et intrinsèque, qu’il est toujours question. Nous verrons aussi qu’il existe non pas une, mais des vulnérabilités, et que celles-ci touchent autant la personne malade que ses proches et même les soignants ; les uns et les autres élaborent des stratégies d’adaptation (face à eux-mêmes, face au regard sociétal), parfois défensives, parfois de l’ordre de l’ouverture à l’autre. Deux nouvelles formes de vulnérabilités viennent complexifier la réflexion : paupérisation de l’offre conduisant à une inégalité d’accès aux soins, et hyper-technicisation d’une médecine ivre de pouvoir et déshumanisée. La question de l’autonomie se pose alors (laquelle, pour qui ?), tant comme chemin d’un possible en médecine que comme risque de posture normative. Ces différentes approches s’incarnent plus que jamais dans la demande d’aide médicale à mourir : à chaque étape de notre réflexion, nous examinerons les questions de vulnérabilité et d’autonomie dans ce cadre éminemment complexe.»