Conférence – débat : « Protéger son capital-santé dans un environnement à risques »

La révolution épigénétique au service de l’éthique de la responsabilité: comment améliorer son capital-santé dans un environnement à risques

CONFÉRENCIER:

Dr Mohamed BENAHMED, directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), Centre méditerranéen de médecine moléculaire (C3M), unité 1065, responsable de l’équipe « Environnement, reproduction et cancers hormonaux-dépendants ».

RÉSUMÉ:

Les maladies chroniques non infectieuses (cardiovasculaires, métaboliques, cancers, neurodégénératives, auto-immunes, etc.) sont aujourd’hui la principale cause de mortalité dans les pays développés, devant les maladies infectieuses et les blessures.

Or, on sait depuis les années 2000, avec le séquençage du génome, que ces maladies trouvent leur origine en grande partie dans notre mode de vie, qui permet à certains gènes, bons ou délétères, de s’exprimer.

Cet impact de notre mode de vie sur notre génome vient de trois facteurs :

• les déséquilibres nutritionnels (alimentation trop grasse, trop salée, trop sucrée),

• l’exposition aux toxiques (dont les perturbateurs endocriniens),

• l’exposition au stress.

L’exposition aux toxiques représente vraisemblablement le facteur le plus délicat à circonscrire. En effet, nous sommes déjà « entourés » par près de 300.000 molécules chimiques (au sens large), dont une forte proportion de perturbateurs endocriniens, présents dans notre environnement quotidien (alimentation, eau, air, cosmétique, etc.), et on anticipe que cette exposition devrait être amenée à croître dans les décennies à venir.

Un perturbateur endocrinien est une molécule qui interfère avec notre système endocrinien, autrement dit avec nos hormones (qui sont des molécules chimiques de l’ordre du millionième de gramme sécrétées par les organes et qui passent dans le sang) : le perturbateur endocrinien contrecarre l’action de ces hormones, soit au niveau de leur production, soit au niveau de leur transport, soit au niveau, surtout, de leur cible, en se mettant sur leurs récepteurs. Autrement dit, il fait en sorte que l’action de nos hormones soit ou bien inhibée, ou bien amplifiée, ce qui amène une détérioration de la santé, et, in fine, l’apparition de maladies chroniques.

Les perturbateurs endocriniens peuvent agir pendant toutes les périodes de notre vie, mais c’est pendant la période précoce qu’ils sont le plus délétères (période préconceptionnelle, gestation sur l’embryon, et croissance du petit enfant). C’est à ce moment-là qu’ils modifient l’expression de notre génome via ce que l’on appelle l’épigénome, et qu’ils « programment » dans le temps les maladies chroniques que nous évoquions précédemment.

Aussi, on pensait, jusqu’à peu, qu’il fallait des doses élevées de ces molécules pour avoir des effets adverses. Cependant, on a pu démontrer depuis qu’elles peuvent agir à de très faibles doses, et que, de surcroît, lorsqu’elles se mélangent entre elles, elles peuvent créer un effet toxique sur l’organisme.

Si l’impact exact de ces perturbateurs endocriniens sur la santé est scientifiquement difficile à qualifier pour le moment (quoique les outils de la toxicologie progressent rapidement avec apparition de modèles in silico basés sur les nouvelles technologies après les modèles plus classiques in vivo et in vitro), du fait de leur grand nombre (on a tendance à n’étudier que ceux que l’on soupçonne déjà d’être délétères…), du fait de leurs interactions complexes avec l’organisme, du fait aussi de leurs interactions entre eux et de leurs dosages infinitésimaux, le principe de précaution doit s’appliquer dans leur cas, et leur omniprésence pose aujourd’hui avec acuité aux citoyens et aux responsables politiques quelques-unes des questions suivantes, qui, toutes, touchent à l’éthique de responsabilité :

• questions économiques : quels sont les coûts de leurs impacts sur la santé par rapport aux bénéfices de l’industrie chimique, de l’industrie agroalimentaire et de l’industrie cosmétique ? En santé, les bénéfices économiques à court terme pèsent-ils toujours plus lourds que les coûts à long terme ?

• questions sociologiques : comment les citoyens peuvent-ils limiter leur exposition aux perturbateurs endocriniens ? Les populations sont-elles prêtes à changer leurs modes de vie ?

• questions sanitaires : comment anticiper la prévalence des maladies adultes que nos enfants sont en train de « programmer » aujourd’hui avec les perturbateurs endocriniens ? Doit-on forcément se résoudre à guérir plutôt qu’à prévenir ?

• questions politiques : le statu quo en matière d’exposition aux perturbateurs endocriniens est-il éthiquement tenable pour nos responsables politiques face à l’état de nos connaissances sur leurs impacts ? Les responsables politiques possèdent-ils les leviers décisionnels pour limiter dès maintenant un problème aussi complexe pour l’avenir ?

Date

25 Avr 2019
Expiré

Heure

18 h 00 min - 20 h 00 min

Prix

EUR0

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Lieu

centre universitaire méditerranéen
65 promenade des Anglais

Organisateur

Espace Éthique azuréen
Email
contact@espace-ethique-azureen.fr
Site Web
www.espace-ethique-azureen.fr

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