Quel legs pour les générations futures?
Avec l’été bien installé, reviennent en force les caprices familiers de la nature: incendies ravageurs, inondations torrentielles, vagues de canicule et orages de grêle. D’année en année, ces événements gagnent en intensité, comme si nous assistions au bras de fer silencieux opposant la Nature et l’empreinte humaine. L’empreinte carbone qui dérègle le climat venant aggraver les effets de l’empreinte foncière d’une urbanisation sauvage qui oublie régulièrement que la nature aime reprendre ses droits.
Face à la montée en puissance du dérèglement climatique, notre rapport au territoire mérite d’être interrogé. Pourtant, sur de nombreux fronts, l’urbanisation, pour ne citer qu’elle, poursuit sa course, souvent déconnectée de ces signaux d’alerte. On construit sur des sols vulnérables, on densifie sans précaution, on étale le béton là où la terre devrait pouvoir respirer. Enfin, on l’empêche de boire en artificialisant ses sols.
Exit le principe de précaution! Plutôt une fuite en avant dictée par des logiques de rendement ou d’aménagement à court terme, qui tend à sacrifier sur l’autel du profit non seulement notre cadre de vie, mais aussi notre legs aux générations futures. Que la science nous alerte ou que le terrain nous le rappelle, le message est clair: nous ne maîtrisons plus les équilibres que nous fragilisons.
La question n’est pas d’opposer le béton à la nature. L’enjeu, ce n’est pas d’interdire mais de penser autrement. Habiter un territoire, ce n’est pas l’exploiter sans limites. C’est reconnaître sa vulnérabilité, sa mémoire, sa richesse vivante. C’est refuser que les décisions soient prises à distance, sans concertation avec ceux qui y vivent, sans vision à long terme. Sans Éthique.
Il nous faut réapprendre à habiter le monde, non pas comme des conquérants, mais comme des héritiers soucieux de transmettre. Cela suppose de renoncer à certains automatismes d’aménagement pour faire place à une culture du risque, de la précaution, et, surtout, du respect. Car ce que nous construisons aujourd’hui dessine déjà l’horizon de demain.
«Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine sur Terre» (Hans Jonas, Le principe responsabilité)
Pr Gilles Bernardin