Dans sa thèse de médecine, soutenue en 1943, Georges Canguilhem a développé une critique de la conception scientifique et quantitative de la maladie, faisant valoir l’irréductible normativité des catégories du normal et du pathologique. Cette critique de l’objectivisme médical est étroitement liée chez Canguilhem avec une réflexion sur la normativité de la vie. Depuis 1943, le contexte de discussion a bien changé. En philosophie de la médecine, les débats ont été en grande partie structurés par l’alternative entre les conceptions naturaliste et normativiste de la santé et de la maladie, la normativité étant alors envisagée dans son aspect social et culturel, non au sens « biologique » de Canguilhem. Simultanément, la philosophie de la biologie et la philosophie de la médecine n’ont cessé de s’éloigner l’une de l’autre, une tendance lourde aujourd’hui remise en question par certains auteurs. Le style de recherche a aussi changé : l’approche « historico-épistémologique » chère à Canguilhem a perdu de son évidence, au profit d’un divorce croissant entre les travaux proprement historiques, et des études philosophiques de caractère analytique. Le contexte scientifique a aussi considérablement changé. Pour ne citer que quelques exemples, la notion épidémiologique de facteur de risque a discrédité l’idée d’une démarcation claire entre phénomènes normaux et phénomènes pathologiques ; la génétique médicale, l’immunologie, la médecine des troubles mentaux ont par ailleurs bouleversé l’explication, la nosologie et la prise en charge des pathologies. Enfin, la médicalisation croissante des sociétés contemporaines se traduit par une pathologisation d’innombrables problèmes dont la solution était traditionnellement sociale plutôt que médicale. Ce livre a pour ambition d’évaluer dans quelle mesure les catégories du normal et du pathologique ont connu une mutation et si elles sont toujours d’actualité.
Documentation en ligne
Sortie du numéro 149 de la revue « Jusqu’à la mort accompagner la vie »: Penser la liberté en fin de vie
Au programme de cette livraison de juin 2022 de la revue Jusqu’à la mort accompagner la vie: "Liberté en fin d’existence : quel est le cadre général de la loi? Comment distinguer autonomie et autodétermination? Comment résonnent grande vulnérabilité et créativité? Quelle articulation entre liberté de la personne malade et celle du soignant?"