Conférence de Jean-François Mattéi prononcée devant l’Académie des Sciences morales et politiques (Institut de France) le 5 décembre 2020.

Introduction.

Selon la nature du mal, l’atteinte de notre santé nous rappelle souvent notre condition d’êtres mortels et suscite en nous les émotions les plus diverses. Dans ce tourbillon d’émotions, l’intervention du médecin apparaît salvatrice et permet d’espérer. Confronté à la maladie, c’est vers le médecin qu’on se tourne naturellement car il est celui qui est réputé détenir le savoir et, surtout, le pouvoir d’apaiser les maux et de guérir. Souvenons-nous que jadis les médecins étaient considérés comme des demi-dieux et que la Faculté avait l’autorité de l’Olympe. Pour cela, la personne se livre, se raconte, dévoile son intimité et s’en remet au médecin qui assume tout à la fois les rôles de confident, de conseiller et de guérisseur. De fait, le médecin tisse des rapports particuliers avec celui qui le consulte. Afin d’agir dans l’intérêt exclusif du patient, sans se laisser abuser par ses états émotionnels et en s’écartant parfois de ses désirs et préférences, il peut donc adopter ce qu’on appelle une attitude « paternaliste ». Cela fait du médecin un agent pleinement autonome. Mais, il s’en suit une limitation de l’autonomie du patient. On a beaucoup discuté l’asymétrie de ce rapport médecin-malade en comparant le médecin debout, sachant et décidant aux côtés du malade, couché, souffrant, ignorant et dépendant. Mais c’est bien « la capacité d’amener une ou plusieurs personnes à agir, individuellement ou collectivement, d’une manière désirée » qui constitue la pierre angulaire du pouvoir, en l’occurrence « le pouvoir médical ».

Parce qu’il détient le savoir, le médecin détient d’abord un pouvoir d’appréciation sur l’état de santé et la situation du patient. Ensuite, il exerce sur ce patient un pouvoir d’influence en indiquant le traitement ou l’acte médical le plus approprié à entreprendre. A la fin, c’est un pouvoir de décision qui s’exprime rendant le déséquilibre entre le médecin et le patient encore plus concret, d’autant que le patient se trouve souvent impuissant à y faire face. D’une part, sa vulnérabilité et le « savoir-pouvoir » du médecin, d’autre part, l’y soumettent irrémédiablement.

Pourtant, avec le temps, le nécessaire rééquilibrage de la relation médicale s’est progressivement imposé dès l’immédiat après-guerre pour se développer de la seconde moitié du XXème siècle à la période actuelle.

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