Selon la définition de l’OMS, « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. » Bien-être et santé sont liés : le bien-être, si difficile à évaluer par un tiers, contribue au bon état de santé global d’une personne. Soucieuses de l’épanouissement individuel, nos sociétés occidentales bénéficient de dispositifs institutionnels et techniques pour contribuer à la santé et au bien-être des citoyens. Couplé aux possibilités offertes par le numérique et l’internet, le développement de nouveaux matériaux et de technologies de précision, comme les nanotechnologies, représente un tournant et un défi à relever pour le secteur de la santé.

En effet, les progrès technologiques, l’e-santé, la médecine de précision, ou encore le séquençage à haut débit, le traitement big data, sont sources d’espoir pour les individus et les professionnels de santé, pour une meilleure prise en charge des pathologies. Du point de vue politique, le numérique offre des perspectives d’amélioration des performances des systèmes de santé.

Dans ce contexte, le secteur de la domotique et de la robotique, en plein essor, avec les équipements et installations au domicile des personnes d’une part, et les appareillages et objets connectés à l’internet qui peuvent discuter entre eux (l’internet des objets) d’autre part, sont appelés à contribuer à la santé et au bien-être des individus au sein même de leurs espaces de vie quotidiens et intimes. Le choix de s’équiper pourra relever du confort, de la prévention ou du soin. Certains prototypes, comme les élévateurs, lits inclinables, ampoules connectées, existent déjà. Le numérique constitue un outil de choix pour l’innovation dans ces domaines.

On peut s’interroger sur les nouvelles formes que sera amenée à prendre l’autonomie du patient dans les années à venir. Qui lui délivrera une information loyale et claire sur ces dispositifs et lui donnera les moyens de les prendre en main : l’industriel, le vendeur, l’annonceur, le professionnel de santé ?… A quoi consent-on lorsqu’on connecte sa maison ? La société de l’information et de la communication, de plus en plus une « société numérique », engage à réfléchir d’une part au partage des rôles entre les acteurs des domaines en interaction et d’autre part à l’éducation nécessaire du citoyen aux médias et à l’information, accentuée par la technicité croissante des objets du quotidien.

La sécurité et la sécurisation des dispositifs constituent, en outre, des enjeux majeurs pour les secteurs de la domotique et de la robotique. Elle concerne tous les acteurs, du développeur en passant par l’industriel jusqu’à l’usager. Quelle place le professionnel de santé sera-t-il amené à jouer dans la chaîne des responsabilités en cas de problème ?

En outre, on peut s’interroger sur ce que produira la modification des espaces privés sur la vie des individus. Le domicile du futur sera-t-il froid et lisse, « sans âme » ?… Quel sera l’impact d’un environnement hyper-technicisé sur le bien-être des individus ? Tenir compte des principes de bienfaisance et de non-malfaisance implique de prendre en considération l’impact du design sur les émotions et cognitions des individus. L’innocuité pour la santé des dispositifs et des matériaux utilisés par les constructeurs constitue aussi un point d’attention non négligeable afin que la santé et le bien-être soient réellement favorisés.

Enfin, la robotique domestique, qui comprend une large gamme d’outils et de dispositifs plus ou moins complexes et onéreux, s’adresse-t-elle à tous ou seulement aux plus favorisés, aux urbains ou aux ruraux, aux jeunes générations ou aux séniors, etc. ? Les aménagements seront-ils répartis équitablement au sein de la population et sur l’ensemble du territoire, en tenant compte des vulnérabilités individuelles, ontologique, sociales et économiques ? Quels coûts seront pris en charge par les systèmes de protection sociale et quels coûts resteront à la charge des individus ? Comment s’assurer que les inégalités déjà existantes ne seront pas renforcées et que de nouvelles fragilités n’émergeront pas ? C’est sans doute le principal enjeu d’une réflexion sur la place et le rôle de la robotique et de la domotique dans la santé du futur.

L’essor du secteur de la domotique et de la robotique offre de nouvelles possibilités d’améliorations en matière de bien-être et de santé. Afin que ces possibilités ne soient pas source d’illusions et de désillusions, une réflexion éthique attentive est requise pour accompagner ces développements.

L. MARCUCCI