«Il est pour toi cet édito, toi le soignant qui sans façon, m’as donné temps et compassion, quand dans ma vie il faisait froid… (sic)»
Que Georges Brassens pardonne cette opportuniste adaptation!
Depuis le 11 mai dernier, une affichette «personnel de réanimation en grève» est placardée à l’entrée d’une centaine de services de réanimation. Soyons rassurés, «ils» sont là, l’arme au pied, comme toujours! Au poste, mais épuisés, déçus et en colère. D’abord et surtout parce que leur vocation les condamne à toujours être les dindons de la farce. On sait les solliciter et les user jusqu’à la corde lorsque ça chauffe, mais ils sont les premiers oubliés lorsque la pression retombe. Leur malaise est palpable. Défaut de reconnaissance des compétences liées à l’exercice en réanimation, absence de valorisation salariale d’une profession qui exige de reléguer sa vie privée à l’arrière-plan, mauvaises conditions de travail d’un hôpital public qui n’arrive plus à recruter faute d’attractivité. Le Ségur de la Santé mené à brides abattues ne fut qu’un cache-misère dont les promesses n’ont engagé que ceux qui les ont écoutées. Hier héros acclamés des balcons à 20h, aujourd’hui forçats poussant seuls leurs wagonnets au fond de la mine. Bon nombre de nos stars déchues sont aujourd’hui en passe de quitter la profession.
Arx tarpeia Capitoli proxima!
La levée graduelle des restrictions fait pourtant souffler une brise de liberté retrouvée. Les terrasses font le plein de consommateurs et les commerces reprennent vie. Animal grégaire, l’homme a besoin d’interactions sociales et c’est la promiscuité du groupe qui lui fait se sentir vivant. Mais, pour beaucoup de nos concitoyens, le bal masqué a assez duré et le dogme de la distanciation sociale ne passe plus. Rançon de tous nos efforts, la Covid-19 nous offre aujourd’hui une embellie mais les semaines à venir seront déterminantes. Si la poursuite de l’effort vaccinal est à la hauteur de la croissance exponentielle des contacts humains attendus cet été, nous pourrons peut-être jouer le scénario favorable. Cependant, le malin génie des multiples variants et la détérioration de la situation épidémique en Grande-Bretagne, notre championne d’Europe de couverture vaccinale, doit nous rendre circonspect. Aujourd’hui nous faisons le pari de tenir le dragon à la niche… Rien n’est moins sûr! N’ayons pas la suffisance de penser que nous n’aurons plus besoin de nos soignants, de leur abnégation, de leur sacrifice. Assurément d’autres millésimes de Covid sont déjà en embuscade! Acta (non) est fabula!
Alors vous, les Messieurs-d’en-Haut, ne les oubliez pas. Prenez soin d’eux à votre tour. Qui assume vouloir faire la Guerre s’en donne les moyens !
Si l’affaire tournait mal, nous aurions tous l’air fin de requérir à nouveau leurs bienfaits alors que nous n’avons même pas encore commencé à nous acquitter de notre dette envers eux.
Pr Gilles Bernardin