À lire, un entretien de Boris Cyrulnik avec Denis Lafay dans La Tribune:
« La pandémie Covid-19 marque un tournant dans l’histoire, estime Boris Cyrulnik. Pour la première fois, « on » accepte de ruiner l’économie mondiale pour sauver en majorité des personnes qui, par leur âge avancé ou leur vulnérabilité liée à d’autres pathologies, devaient mourir prochainement ». Un choix éthique fort – celui « de la vie contre l’argent » – aux enseignements et questionnements cardinaux, surtout au moment de penser l’humanité autrement : la hiérarchisation des vies est abolie, la valeur de chaque existence est égale à toute autre, la santé devient droit et « revendication ». Mais concomitamment, ne devenons-nous pas intolérants à la mort ? Encagés dans « nos » progrès scientifiques et la chimère scientiste ? Déstabilisés face au triptyque valeur – coût – prix de la vie ? Cette éthique n’apparaît-elle pas, justement, « hors de prix » lorsque se profile un tel chaos social, humanitaire et (géo)politique ? « Un bon choix éthique peut être un mauvais choix économique », concède le neuropsychiatre. Mais il constitue surtout un phare, indispensable pour débroussailler le chemin du « nouveau déterminisme » que commande la… santé de la civilisation, gangrenée par une « consommation », une « mobilité », une « intensification » hypertrophiées. Est convoquée alors le concept de résilience, dont les manifestations au plus loin dans l’Histoire prouvent que l’espèce humaine est capable d’extraire des traumas un profit humaniste et collectif, fécondé dans la solidarité. Les plans du « nouveau déterminisme » qu’exige l’état, incandescent, de la planète sont à l’étude : Boris Cyrulnik en livre quelques précieux croquis ».