Par le Docteur Dominique WYBO
La pandémie à SarsCov 2 se répand depuis bientôt un an.
Quelles leçons en avons-nous tirées ?
Quels constats avons-nous pu établir ?
L’état de nos systèmes de santé ne permettait pas d’absorber une telle situation : absence de stock de masques au moment nécessaire, diminution progressive depuis des années de nos capacités hospitalières tant matérielles qu’humaines, dans un but uniquement comptable d’adaptation de l’offre à la demande, sans prévoir de capacité d’adaptation à une situation de crise.
À combien peut-on évaluer aujourd’hui le coût humain et financier de ces économies ?
Persister dans la mise en place de mesures peu efficaces (voire contre-productives) comme une sorte d’escalade compétitive avec nos voisins européens n’est pas une solution rassurante, mais au contraire le signe d’un manque de discernement.
Il devient nécessaire d’observer objectivement ce qui se passe en dehors d’une vision politique rigide, avec plus de pragmatisme et en acceptant les risques.
Une société qui n’accepte pas le risque est une société qui n’évolue pas.
Le problème semblait réglé en mai, à la suite d’un confinement strict, aux conséquences sanitaires, humaines et économiques dramatiques, mal vécu mais malheureusement nécessaire puisque nous n’étions pas prêts.
Le développement massif des tests RT-PCR mis en place à cette période a mis en évidence une reprise de la circulation du virus, mais essentiellement des formes asymptomatiques avec très peu d’hospitalisations. La crainte d’une 2ème vague a alors incité les diverses instances politiques à imposer progressivement le port du masque généralisé dans l’espace public pour freiner la circulation virale, puis à entrevoir la mise en place de restrictions de déplacements, de couvre-feux, pour en arriver à un confinement. Nous nous retrouvons ainsi dans la même situation qu’en juin, mais avec plus de dégâts collatéraux.
Et après : on recommence ?
Ne nous laissons pas aveugler par la peur, et regardons plutôt les évènements sous un autre angle : en matière de circulation des virus par transmission interhumaine, une théorie suggère qu’un virus hautement virulent et létal aura plus de difficultés à se diffuser dans la population qu’un variant moins virulent, qui infectera par compétitivité un plus un grand nombre d’individus mais générant moins de formes graves, jusqu’à devenir endémique (les cas de réinfections avérés sont à ce jour exceptionnels).
Si ce n’est certainement pas la seule cause, la question mérite d’être posée lorsqu’on observe la chronologie des évènements, par exemple l’évolution du nombre quotidien d’hospitalisations, multiplié par 20 en trois mois quand le nombre de cas est multiplié par 40 (chiffres Santé Publique France entre S31 et S44). Certes, le nombre est important, mais cela correspond à un ratio de formes graves divisé par deux sur cette période. Le virus actuel semblerait donc perdre de sa virulence au fur et à mesure que l’épidémie progresse dans le temps.
Actuellement, le nombre total de décès directement liés au coronavirus dépasse les 1.5 millions de personnes. Compte tenu de la démographie mondiale, et de l’amélioration de la prise en charge des cas graves, le taux de létalité moyen est proche de 3 pour 1000 ; on peut donc évaluer la population contaminée à 500 millions d’individus (bien au-delà des 60 millions dépistés). Avec cette croissance rapide, dans quelques mois plus de 50% de la population mondiale aura donc été infectée, annonçant théoriquement le déclin naturel de l’épidémie.
Pourquoi ne pas profiter de cette tendance en la contrôlant, plutôt que de chercher à l’interrompre au risque d’un redémarrage (3ème vague) ?
Cette stratégie n’est possible que dans le cadre d’une protection renforcée des sujets à risque (pour qui le taux de létalité est bien supérieur) et d’une circulation du virus clairement exposée et assumée par la population active, peu impactée par la maladie, acceptant le risque plutôt que d’en avoir peur, permettant de maintenir l’enseignement et l’activité économique.
En effet, l’expérience acquise montre que la grande majorité des patients qui occupent les lits de réanimation sont issus du même groupe de facteurs de risques, qu’ils soient actifs ou pas ; c’est donc à ce niveau qu’il me semble fondamental d’agir pour éviter les hospitalisations, en assurant une protection renforcée : double masque (visité-visiteur), vaccination ou à défaut incitation forte à un respect du maintien à domicile, avec aide au portage des repas ou livraison des courses par l’intermédiaire des CCAS ou prestataires familiaux et privés, suivi médical et paramédical assuré par les effectifs libéraux, possibilité d’hébergement temporaire en EHPAD avec aides financières pour les personnes isolées (coût pour la société d’une journée en réanimation = 15 jours à un mois d’hébergement en EHPAD)…
Cette stratégie différente et réalisable (ces personnes à risques sont souvent déjà enregistrées dans les communes pour le suivi de la canicule) permettrait de soulager efficacement et durablement les structures de soin dans l’attente de leur réaménagement.
À ce stade apparait la notion de mesure non constitutionnelle.
Le rôle du médecin est de prévenir et soigner. Je ne vois pas de discrimination lorsqu’on propose à une population identifiée d’augmenter ses chances de survie : c’est ce que nous faisons quotidiennement dans toutes les campagnes de dépistage du cancer et les vaccinations ciblées.
Le rôle du politique n’est-il pas de faire évoluer la Constitution lorsque la gravité de la situation l’exige ?
Changeons de direction avant qu’il ne soit trop tard.
Un vaccin, dont l’efficacité et l’innocuité ne peuvent à ce jour être totalement assurées sur la population générale, ne peut être la seule solution. S’il semble évident que son utilisation soit une priorité pour protéger les populations à risque, il y a malheureusement fort à parier que sa diffusion à grande échelle ne soit effective qu’au moment où l’épidémie s’éteindra de manière naturelle.
Médecin et citoyen européen, je pense que dans un climat passionnel qui se rapproche de la panique, il est temps de revenir la tête froide sur les expériences récentes et de se poser les bonnes questions.
Docteur Dominique WYBO