Entretien avec Vianney Mourman, médecin de soins palliatifs et enseignant-chercheur à l’Espace éthique Île-de-France, et Bernard Baertschi, philosophe et bioéthicien, réalisé par Pierre-Emmanuel Brugeron & Paul-Loup Weil-Dubuc pour La vie des idées.
La distinction entre faire mourir et laisser mourir est au cœur en éthique médicale. Elle pousse à s’interroger sur ce qui est acceptable par les soignants, et plus généralement de ce que nous attendons de la médecine.
La Vie des idées : Quelle est l’histoire philosophique de la distinction entre faire mourir et laisser mourir ?
Bernard Baertschi : Pour commencer, il faut souligner que les termes de cette distinction sont formulés sous différents vocables : faire et laisser faire, agir et ne pas agir, omettre et commettre, etc. La distinction est presque aussi ancienne que la philosophie : on en trouve des prémices chez Aristote déjà, lorsqu’il distingue le volontaire de l’involontaire, au début du livre III de l’Éthique à Nicomaque. Cela n’est pas très étonnant parce que, selon moi, la distinction entre faire et laisser faire est assez intuitive. Le droit l’aborde d’ailleurs, quand il distingue le meurtre et la non-assistance à personne en danger.